Présenter ses voeux : tradition et exercice parfois ardu, il l’est d’autant plus après l’année 2020 très particulière et difficile à bien des niveaux.
Une année à oublier ?
Nous sommes tous passés par des difficultés plus ou moins aiguës durant cette année que certains disent maudite. Mes pensées vont tout particulièrement à ceux qui ont souffert dans leur corps ou qui ont perdu un être cher, terrassé par cette mystérieuse COVID-19. Sans peut-être avoir été confrontés à ces extrêmes, nous avons quand même vécu des éléments plus ou moins difficiles, selon notre situation, nos aspirations et nos besoins personnels :
- limitation des contacts sociaux
- stress professionnel pour appliquer – et faire appliquer – les normes sanitaires et sociales
- port du masque, la galère en extérieur avec des lunettes !
- restriction de notre champ d’action et de liberté
- …
Il y a eu également ces craintes, cette peur ambiante, voire ces angoisses liés à cette maladie inconnue qui avance masquée – bien avant nous – ne présentant que peu de règles du jeu qui changent régulièrement. Peut-être plus que les éléments concrets, c’est cette ambiance anxiogène qui a été lourde et détestable.
- L’attente des mercredis ou vendredis, annonçant leur lot de nouvelles mesures de restriction ou d’élargissement
- La peur d’oublier de respecter une mesure ci ou là et, peut-être le risque de devenir transmetteur à son insu, peur bien supérieure à celle d’être pris pour non respect des mesures sanitaires !
- L’angoisse, à chaque petit rhume, éternuement, mal de tête ou courbature, non pas de l’avoir attrapé, mais de pouvoir le transmettre aux plus vulnérables autour de nous.
- Et puis, et ce n’est pas la moindre, cet alourdissement de plusieurs de nos actes quotidiens et professionnels, engendrant une fatigue ténue, difficile à expliquer mais bien présente.
Les réseaux sociaux et certains médias ont bien essayé de manier l’humour et de nous faire rire – jaune – mais parfois, cela entretenait la psychose et nous faisait rester dans l’atmosphère !
Dès lors, la tentation de se dépêcher de l’oublier et de repartir à zéro avec 2021 est forte… et pourtant ! Agréable ou difficile, 2020 fait partie de notre vécu, collectif et personnel, et la rejeter serait, d’une certaine manière, couper une partie de notre histoire, de qui nous sommes devenus et vouloir effacer une partie de notre mémoire.
Et si notre nature humaine est bien plus souvent encline à se souvenir des éléments négatifs que des positifs, tout n’a pas été mauvais en 2020. Les circonstances nous ont permis de découvrir, d’apprendre, d’évoluer…
- L’enseignement à distance a permis à beaucoup d’entre nous d’apprendre et d’évoluer avec les moyens numériques comme jamais. Nombre de mes collègues se sont mis à faire des vidéos, à les monter… chose qu’ils n’auraient jamais faite auparavant. Bravo à eux ! Je suis sûr que les vôtres aussi se sont trouvés tout à coup des talents d’enseignants numériques d’une manière ou d’une autre. Repasser nos modalités d’enseignement, aller droit au but, de manière simple, aller à l’essentiel, ce n’est surtout pas quelque chose qu’il faudrait laisser tomber.
- Cette même période a également permis de mener une réflexion sur le sens profond de l’école et de l’enseignement en vis-à-vis. Qu’est-ce qui est important ? Qu’est-ce qui est secondaire, voire facultatif ? Quelles sont mes raisons d’enseigner ? Qu’est-ce qui est de l’ordre du besoin pour moi, pour mes élèves ?
- Au-delà de notre action professionnelle, il y a également eu ces réflexions personnelles : quels sont les changements durables que cette pandémie – et plus particulièrement le (presque) confinement – a induit dans ma vie ?
- Chez nous, la reprise en présentiel a été liée à l’absence d’évaluations formelles. Quel plaisir ! Enseigner pour que les élèves apprennent, vraiment, sans la pression du nombre de notes et des délais. Une manière aussi de rendre les élèves acteurs et responsables de leurs apprentissages d’une manière toute particulière.
Plus légèrement, 2020 nous a également permis de travailler toute la journée en survêtement, de se lever plus tard pour une journée de travail tout aussi longue, de voir ses enfants tous les jours, même en travaillant, d’apprécier de manger en famille trois fois par jour… Ces éléments ont également été bénéfiques dans les étapes suivantes. Par exemple, j’ai compressé mes heures de travail librement gérées pour partir plus tard le matin et lever mes filles avant de prendre le train.
Penser que tout sera meilleur en 2021 est une autre tentation. Prendre une bonne dose – ou même 2 ! – de vaccin et repartir comme si rien n’avait eu lieu ! Pourtant, y succomber serait se tromper lourdement également : la situation sanitaire ne sera pas réglée avec quelques piqûres, et encore moins les maux de notre société que cette année a mis au-devant de la scène.
Mettre ses couleurs
Peut-être que le plus grand apprentissage de cette année passée est cette prise de conscience que nous ne pouvons tout contrôler, prévoir, anticiper, encadrer. Le genre humain se retrouve dans l’univers à sa taille réelle, l’individu confronté à ses limites et ses incapacités. La pandémie n’a pas pu être contenue parce que ce n’était pas possible ! Mettre la faute sur les Chinois ou nos gouvernements nationaux ou locaux n’est qu’un leurre pour masquer la situation. Cette COVID-19 nous a dépassés, tous, engendrant les conséquences et la créativité liées à la nouveauté : recherches, essais, erreurs, solutions, inventions et réinventions, stress… ! Et je ne parle pas que du vaccin !
Bien avant 2020, de nombreux éléments de notre vie n’étaient pas sous – notre – contrôle. Liés aux phénomènes naturels, sociaux, ou aux hasards, ils nous atteignaient sans qu’on ait pu s’y préparer ou tenter de les éviter. Pour le meilleur ou le pire ! Les événements liés à la COVID-19 n’ont fait que les rendre plus nombreux, plus prégnants et généralisés pour de grandes parts de la population mondiale.
C’est ici qu’interviennent – enfin – mes voeux pour 2021 ! Certains événements sont connus, d’autres imaginables mais une bonne dose seront des surprises, agréables ou moins agréables. Une année nouvelle nous est donnée comme une esquisse en noir et blanc dont seuls certains contours sont présents. Quant aux couleurs, ce sont nous qui les mettons, par nos ressentis, les émotions que nous laissons s’exprimer, les intonations que nous y mettons, les actions que nous choisissons de mener.
Ma vie, c’est moi qui vais la peindre,
Alors je vais y mettre le feu,
En ajoutant plein de couleurs.
Grand Corps Malade
Que pour 2021, nous puissions, chacun chez soi, dans sa classe, son établissement scolaire, mais également tous ensemble, mettre de belles couleurs à ce que l’année nous présentera. Les couleurs que nous mettons dans nos journées sont un choix répété que nous partageons avec toutes les personnes qui nous entourent. Prenons le temps et mettons l’énergie nécessaire pour qu’elles soient belles et durables. C’est déjà une belle raison de vivre. Vraiment !