Dans ce billet de perspectives pour la prochaine rentrée, pas de très grandes idées, pas de nouveauté intergalactique, pas de projet grandiloquent, seulement une nouvelle rentrée, pour continuer tout ce qui a été mis sur pied ces dernières années. Alors si vous cherchez des ingrédients sensationnels pour votre année scolaire, il vaut peut-être mieux que vous passiez votre chemin, au risque d’être déçus d’avoir perdu votre temps. Mais si vous voulez passer quelques minutes avec la vraie personne, en chair, en os, en émotion et en questions qui se cache derrière ENSEIGNER.org, lisez la suite, vous devriez apprécier !
Parfois, je pense tout l’été à la manière dont je vais vivre ma prochaine rentrée, aux nouvelles conceptions que je mettrai en place, aux nouveaux cours que je vais créer et tester avec mes élèves, aux adaptations que je réaliserai pour tenter de coller davantage à la réalité des élèves et coller le mieux à leurs besoins…
(Re)lisez le blog éphémère 21 jours pour préparer la rentrée. Vous y trouverez le quotidien d’un instit qui met en place une nouvelle année scolaire.
Cette année, rien de tout cela. Même la liste d’idées et de projets est bien courte. Il faut dire que la dernière rentrée avait été la plus remplie depuis bien des années et que tout n’est pas encore mis en place. Qu’est-ce que ça prend du temps et de l’énergie de créer tous ces tests de ceintures, même avec ChatGPT ! Et puis, lorsqu’on garde les mêmes élèves, on est plutôt dans la continuité que dans l’innovation !
Viser la pérennité des nouveautés !
L’an passé, j’ai lancé l’enseignement sous forme de ceintures de compétences pour quelques notions : les compléments à 10, 20, 50 et 100, les livrets et la conjugaison. Ce gros chantier est loin d’être terminé, il occupera encore une grande partie de ma création de cours cette année.
J’ai également mis en place un enseignement des mathématiques par module. La création des documents de 6e année est encore à créer.
La priorité est donc de pérenniser ces nouveautés.
Préférer la relation à l’innovation
Apparemment, nous, enseignants, nous répartissons entre deux extrêmes :
- ceux qui mettent la relation avec les élèves au centre
- ceux qui mettent la pédagogie au centre
Ensuite, selon nos expériences, nos pratiques, nos envies,… nous évoluons plus ou moins rapidement vers un certain équilibre. Pour ma part, un peu autiste sur les bords, ce sont les techniques, l’organisation et méthodes qui ont pris beaucoup de place longtemps.
Depuis quelques années, j’ai besoin de « me rapprocher » de mes élèves, d’être plus en relation avec eux, de pouvoir échanger d’humain à humain… De prendre le temps de vivre avec eux.
Par exemple, depuis l’an passé, il y a un moment dans l’organisation de l’accueil du matin qui leur permet de venir me raconter un événement, scolaire ou non, ce qu’ils ont envie. C’est riche humainement parlant. Et, encore plus si l’on considère que l’on apprend mieux d’une personne avec qui on est en relation.
On se souvient rarement des leçons et des apprentissages mais on n’oublie bien moins ce qu’on a vécu ensemble.
Une année pour permettre à chacun de progresser
Souvent, dans les premiers mois d’une classe, une multitude de questions apparaissent quant aux facilités et aux difficultés des élèves. Il s’ensuit des discussions avec les parents, les collègues, parfois des bilans de spécialistes qui, si tout va bien, permettent d’avoir des diagnostics et des pistes pour la deuxième année du cycle. Ce sera le cas cette année. Je me réjouis donc de pouvoir mieux adapter certains éléments à ces élèves à besoins particuliers maintenant que des mots sont posés sur leurs difficultés.
Une école plus réelle
De tout ce qui se dit sur l’école, des caricatures aux études scientifiques, certains éléments ont plus de relief que d’autres pour moi. Par exemple, l’affirmation selon laquelle l’école est artificielle, loin de la réalité et de la vie courante et qu’elle ne prépare pas l’enfant à entrer dans la vie active.
Il y a bien des tentatives pédagogiques pour rapprocher l’école de la réalité ou de la nature, ou du monde du travail… mais ce n’est pas toute l’institution scolaire qui marche dans ce mouvement. Alors, humblement, à mon niveau, je m’interroge sur ce que je fais pour apporter ma pierre à l’édifice. Il en sort des cours qui ne cadrent pas tout à fait avec le plan d’études. Bien que, en cherchant un peu du côté de la formation générale et des capacités transversales, on trouve des liens intéressants. Ces activités placent un peu plus l’apprentissage dans la vie réelle.
Il y a quelques années, j’avais créé le module “Qui suis-je ?” pour permettre aux élèves de mieux se connaître, de sortir de la moyenne ambiante et de saisir leurs forces, pour les mettre au service de la classe. Cette année, je reprendrai ce module, sous forme d’ateliers, durant les premières journées à thème de l’année scolaire.
J’ai également envie de mettre en place une réflexion sur la « mission personnelle ». Nous avons tous une place à prendre, quelque chose à apporter là où nous sommes… et c’est plus facile à faire quand nous avons une petite idée ade ce dont il est question.
Il y a quelques années, j’ai découvert le livre “Manuel de pensée géniale“. On y retrouve toute une série d’activités mettant en œuvre la pensée divergente, à partir d’éléments historiques. Dans ce livre, on attribue à Socrate le fait d’associer une passion et un talent : Les vrais génies ont su trouver l’activité qui se situe au croisement de ce qu’ils font très bien (leur talent) et de ce qui les passionne. (p. 65). Une belle activité à effectuer en début d’année pour donner de la perspective à tous les apprentissages qui parfois manquent de sens immédiat.
Quelles finalités ?
Peut-être parce que je vieillis – ou que je deviens sage – je me pose un certain nombre de questions sur la vision de l’école, au-delà des réponses toutes faites. À quoi sert l’école ? Forme-t-elle vraiment nos élèves à la vie telle qu’elle sera dans 10 ans ou plutôt à celle telle qu’elle était il y a 10 ans ? Leur donne-t-on les bons outils ?
Si cela a pu pendant un temps certain me rendre un peu morose, maintenant cela me rend optimiste. Un orateur sur TedX affirmait que les découvertes actuelles n’allaient pas changer l’école parce qu’elle n’avait jamais préparé les élèves à vivre dans la société qui était la leur… C’est certainement hâtif, peu nuancé mais vrai dans une certaine proportion. On peut donc forcément faire mieux, donner quelques coups de pouce à l’échelle de sa classe ou de son établissement, sans devoir reposer les bases complètes de l’institution.
Ainsi, cette année, nous nous intéresserons d’un peu plus près
- à l’utilisation raisonnée et rationnelle du numérique,
- à l’irruption de l’intelligence artificielle dans notre vie et aux changements de compétences qu’elle implique,
- à ce qui est nécessaire ou éphémère,
- à ce que la nature nous apprend par la vie si multiple et si dépendante de multiples facteurs qui nous dépassent.
Peut-être bien que toutes ces réflexions donneront naissance à une vidéo sur ce thème.
Le quotidien… porteur de vie
D’une planification assidue et précise, j’en suis arrivé à n’écrire plus que les grandes lignes de mes années scolaires. Plus poussé par les circonstances que par volonté : la naissance de ma 3e fille, la COVID,… de multiples changements m’ont poussé dans cette direction. Vous savez quoi ? Ça marche aussi ! Bien sûr, je ne parle pas d’une conduite des apprentissages au petit bonheur la chance et de son corolaire, la série d’évaluations creuses durant la dernière semaine du semestre !
Je parle de nous laisser le temps pour prendre ce qui surgit de la vie quotidienne de la classe. Les projets, Les idées. Les questions. La vie, tout simplement.
J’ignore de quoi sera faite cette année scolaire, au-delà des évaluations et des ECR,… mais je sais comment que je souhaite vivre avec les élèves qui partageront mon quotidien pendant ces 38 semaines !
