Faut-il aller à l’école pour apprendre ?

Publié le 8 mai 2020

Je viens juste de clôturer la dernière visio-conférence avec mes élèves, non sans un petit pincement au coeur. Bien sûr, ce n’est rien devant la joie de les retrouver en chair et en os lundi ou mardi… mais c’est la fin d’une période inédite qui a eu ses bons côtés : se lever plus tard, aller à l’école en pyjama (pour les élèves, pas l’enseignant !), boire son thé ou son café pendant les cours,… . C’est le début d’une autre toute aussi inédite !

Encore une rentrée !

Il me reste maintenant 3 jours pour préparer cette énième rentrée… C’est peu et beaucoup à la fois. Habituellement, une grosse journée m’a permis de préparer ma semaine à distance. Mais la situation transitoire est plus complexe et les éléments à planifier sont bien plus nombreux :

  • instaurer les gestes barrières et les nouvelles règles de vie commune
  • planifier le débriefing… sans vraiment savoir ce que les élèves auront à dire : on peut prévoir des questions, des relances,… mais difficilement leur participation
  • prendre le temps de faire les choses, puisqu’on est en classe surtout pour cela
  • réorganiser les habitudes de la classe et, en particulier, les relations spatiales entre les élèves et les enseignants
  • replanifier la fin de l’année scolaire en fonction du travail réellement effectué et des nouvelles priorités du programme… cela peut se prévoir mais devra s’ancrer le plus possible dans les réels acquis – ou pertes – des élèves durant ce temps d’école à distance… avec certainement quelques bonnes nouvelles et mauvaises surprises
  • prévoir et organiser les activités “papier” à effectuer en classe lors des jours de présentiel et à la maison pour les autres
  • préparer un nouveau parcours (plan de travail) en y incluant les apprentissages qui n’ont pas pu être effectués à distance et en veillant à ce que les élèves puissent le faire de manière plus autonome qu’en classe. Là, les allers-retours entre l’école et la maison auront du sens : les élèves pourront poser les questions à l’enseignant concernant le travail qu’ils n’ont pas réussi à effectuer seuls à la maison.
  • préparer des activités en ligne que les élèves pourront effectuer de manière autonome, entre autre pour le 2e groupe qui commencera la semaine par un jour d’école à distance
  • mettre le tout en forme et le communiquer le plus clairement possible aux élèves et à leurs parents.

Mais je garde en tête que le plus important, ce n’est pas le travail fourni ou la rapidité avec laquelle les élèves prendront de nouveaux réflexes mais c’est l’appropriation d’une nouvelle relation élève-enseignant et élève-élèves, parce que c’est de là que la sécurité et la confiance renaîtront après le traumatisme de la fermeture et de la réouverture des écoles.

Aider les élèves à s’exprimer

Afin de passer d’un vécu plus individuel que commun, il est essentiel que les élèves puissent exprimer leur vécu devant les autres, que celui-ci devienne public, entendu et parfois certainement partagé. C’est du partage de l’ensemble des vécus individuels – et par bribes communs – que se recréera le groupe classe. Il est donc essentiel de bien penser cette phase primordiale de manière à ce qu’un maximum d’éléments soient communiqués. Connaissant assez bien mes élèves – on a presque passé 2 ans ensemble – je compte les interpeller avec cette question :

Faut-il aller à l’école pour apprendre ?

Cette question est volontairement bateau, large et à réponses multiples. Sans même devoir ajouter le pourquoi supplémentaire, elle oblige à dépasser la réponse attendue pour entrer dans des éléments plus profonds. Même pour des élèves de 10 ans, la réponse ne peut être que “Oui mais…” ou “Non mais…” Basant depuis quelques années une bonne partie de ma gestion de classe sur l’autonomie, la responsabilité et la liberté, ces éléments auront forcément une place de choix dans cette réflexion et permettront de dépasser des réponses rapides ou toutes faites.

Pour que les élèves comprennent bien ce qui est demandé, je prévois d’insister sur les mots importants.

école
apprendre
aller

C’est bien sûr ce dernier mot qui va mettre toute la tension dans la question et la réflexion.

Concrètement, je vais leur faire écrire individuellement quelques éléments de réponse. On met toujours mieux en commun ce que l’on a commencé de réfléchir pour soi. Ensuite, il y aura une mise en commun, tous ensemble, les travaux de groupes n’étant pas une bonne idée en ces temps d’éloignement social – ou devrait-on dire sanitaire ! Je pense schématiser leurs réponses au TN – ou sur le projecteur pour en garder une trace rapide, je ne sais pas encore.

Ce qui sera intéressant, en effectuant la même activité avec les 2 groupes de la classe – qui n’ont pas été séparés en fonction d’éléments pédagogiques – ce sera de comparer les réponses données : seront-elles semblables ou vraiment différentes, voire opposées… Une troisième phase se jouera forcément lors du retour commun de tous les élèves, avec la découverte brute de la synthèse de l’autre groupe et la comparaison, la discussion, l’adoption ou rejet argumenté des éléments différents.

Au-delà des événements, il s’agira également de leur permettre d’exprimer les émotions qu’ils ont suscités, les ressentis, les joies, les peurs, les manques,…

C’est le souhait, la pré-vision, la préparation… et puis l’animation poursuivra le but en changeant peut-être la forme !

Faut-il aller à l'école pour apprendre

Prendre de nouvelles habitudes

Tout au long de ces prochains jours – et peut-être même des prochaines semaines – l’accent sera mis sur un certain nombre d’éléments à mettre en oeuvre jusqu’à ce qu’ils deviennent des habitudes, des routines, des réflexes. C’est primordial, c’est une des raisons du retour à l’école ! Peut-être que cela fera l’objet d’un article spécialApprendre en ligne“.

J’y vois principalement deux éléments :

Les éléments concrets

Ils sont des gestes à poser – ou non !

  • le déplacement à distance légère mais sans se toucher.
  • une ritualisation du lavage des mains, à chaque entrée en classe et à la sortie en récréation. La solution du gel va permettre d’accélérer l’opération, puisqu’il ne sera pas nécessaire que les élèves passent un après l’autre au lavabo. Un élève sera chargé de distribuer le gel à tous ses camarades – l’enseignant serait trop proche d’eux s’il le faisait. Ensuite, les différents mouvements du lavage des mains seront enseignés avec la projection de cette vidéo lors de chaque lavage. Peut-être que par la suite, cette vidéo explicative sera remplacée par un chorégraphie sur cette musique qui bouge bien, avec un support illustré pour se souvenir des différentes étapes.
  • l’utilisation de son propre matériel et la fin du matériel commun
  • l’utilisation des ordinateurs de classe avec une protection personnelle. Sans entrer dans de coûteux achats ou bricolages, j’envisage simplement de donner aux enfants une pochette perforée, comme celles que l’on met dans les classeurs, de la faire découper sur le grand côté qui n’a pas de trous et d’emballer ainsi le clavier des ordinateurs. Ainsi, chaque élève ne tapote que sur sa pochette. Ce ne sera pas très agréable ni même très efficace pour un dactylographe averti mais cela permettra d’utiliser les ordinateurs avec un minimum de risque de transmission. Reste à voir si cela fonctionnera avec le trackpad. D’après les tests à la maison, oui !
  • rester à distance respectable des enseignants et autres adultes.

Ainsi, en classe, nous allons avoir de nouvelles routines, imposées par la hiérarchie, ou librement choisie par les enseignants :

  • une entrée dans le collège en file indienne plutôt que par deux, pour éviter de se donner la main, de se toucher
  • un lavage des mains chaque fois que l’on entre en classe, ou que l’on en sort pour aller à la récréation, avec du gel hydroalcoolique puisque nous n’avons pas de lavabo en classe au rythme d’une vidéo explicative ou d’une chanson entraînante.
  • certainement d’autres concernant les déplacements des élèves et du matériel (distribuer/rendre les documents,…)

Les éléments symboliques

Dans un premier temps, doivent nous aider à nous inculquer profondément dans nos pensées et nos émotions que ce n’est plus comme avant, que des choses ont changé et qu’il faut absolument s’en souvenir et changer de comportement. Mais nous allons aussi poser des actes symboliques, pour marquer le coup, pour se souvenir sur la durée :

  • marquer au sol les limites
  • afficher les règles, les habitudes à prendre
  • ritualiser certains nouveaux moments de la classe

Et le travail dans tout ça ?

Je pense que mettre en place tout ce qui est prévu ci-dessus prendra déjà pas mal d’énergie et de temps. À côté de cela, je prévois :

  • un parcours (plan de travail adapté)
  • des activités en ligne, à faire en classe pour les élèves qui ne sont pas bien équipés à la maison ou à la maison pour les autres
  • un peu d’histoire… une des matières dans lesquelles nous avons le plus à rattraper
  • certainement un peu d’arts visuels
  • … et le travail enfin in situ sur notre journal des #confinés

On devrait tenir 8 jours, enfin, 4+4 !

C’est bien joli de partager et d’écrire tout cela, mais ça ne complète pas le parcours, ça ne prépare pas – tout à fait – l’horaire, ni les communications aux élèves (enfin si) et aux parents… donc je vais me taire et m’y mettre ! Rendez-vous la semaine prochaine pour un peu de vécu !

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