Pour réussir à l’école, il faut avoir “la bonne intelligence”, être sorti du bon moule …
La journée s’est terminée par une discussion intéressante : “Moi je suis bête, parce que ce que sais faire, ce n’est pas les choses de l’école. Elle, elle est intelligente, parce qu’elle arrive bien travailler avec sa tête et à l’école c’est tout ce qu’on demande … Pourquoi ne fait-on pas plus de choses pratiques, pourquoi ne fait-on pas plus de choses artistiques. Dans ces domaines, je m’en sors bien mieux.”
Ce n’est pas nouveau : l’école réussit à ceux qui sont nés adaptés à son système. Mais de la part d’une élève de 13 ans, cette réflexion m’a interpellé – une fois de plus – tellement c’était criant de réalité.
Je ne serai pas le premier à dire que l’école n’est actuellement pas capable de s’adapter à tous les enfants qui la fréquentent … la mienne non plus et, en tant qu’instituteur, je ne suis pas non plus capable de m’adapter parfaitement à tous les enfants qui passent dans ma classe. Il y a ceux qui me ressemblent, qui me correspondent et donc qui s’assemblent assez facilement autour de ma lecture du programe scolaire. Ils entrent dans le cadre et vivent l’école comme un parcours normal voire agréable. Et puis, il y a tous les autres …
Et me voilà avec cette patate chaude dans les mains ! Même si, avec les années, mes méthodes se sont diversifiées et même ma manière de gérer la classe s’est assouplie, adaptée, frottée et a perdu des plumes – devrais-je dire des angles – au fur et à mesure des rencontres et en particulier de celles avec des enfants qui ne sont pas des élèves type, je suis encore bien loin de dispenser un enseignement tout public, qui permette à tous les types d’intelligence de se trouver à leur place, qui place tous les styles d’enfants dans un contexte vivifiant.
Historiquement parlant – et cela nous l’étudierons pratiquement dans le cours d’histoire consacré à la Grèce Antique – nous avons hérité d’une manière de penser qui met la tête au premier plan et qui rejette les autres formes d’intelligence bien loin. Notre société est bâtie de cette manière et notre programme scolaire n’y échappe pas. Les cours de réflexion mentale sont les plus importants ; les activités sportives et créatives (musique, activités manuelles, dessin, …) sont remisées dans les détails de l’horaire. N’étant pas vraiment manuel moi-même, j’ai également parfois repoussé ces heures de cours dans les plages libres de la semaine.
Bien sûr, on ne peut pas tout réformer en même temps, mais je n’arrive pas à me consoler en me disant que lorsque le programme de français, de mathématiques, d’histoire et de géo auront été révisés et mis à niveau, je pourrai me pencher sereinement sur les enfants qui ont d’autres manières d’apprendre, d’autres aptitudes et auxquels l’école renvoie l’image de mauvais élève.
Il faut que, dans mes réformes pédagogiques actuelles, ce cri ait un écho, que ma pensée s’élargisse et fasse aussi une place aux autres manières d’apprendre, de comprendre et de réussir. Sans cela, des enfants doués et intelligents finiront au ban de la société, convaincu par l’école – et donc par moi – qu’ils sont bêtes, inadaptés, inutiles.
Peut-être que si, un jour, cette élève entre dans le domaine de l’éducation ou de l’enseignement, elle réussira mieux que moi à intégrer chaque individu dans ses activités.