Aventure d’une semaine à la montagne, de quoi vivre de bonnes expériences avec les élèves, et les voir pousser à vue d’œil !
Cette année, grande première, après plusieurs camps en tout genre, camp de ski. Ce n’était pas le premier choix mais, avec ma collègue, nous avons préféré partir au ski que ne pas partir du tout.
Un camp, c’est toujours une aventure, surtout pour les élèves, parfois aussi pour les enseignants. L’encadrement donc nous avons bénéficié au chalet étant optimal, nous avons pu coacher au mieux nos élèves dans cette aventure. Pour la plupart d’entre eux, c’était leur première semaine sans les parents.
Si le récit factuel est rédigé sur le blog de la classe, c’est surtout l’approche de l’instit que je désire livrer ici.
Partir en camp, c’est créer, forcer d’une certaine manière, la déstabilisation de nos élèves. Leurs repères sont changés, leurs habitudes et croyances sont confrontées à d’autres, leurs appuis – les parents – sont distants et ils doivent, l’espace d’une semaine, se prendre en main bien plus que d’habitude.
Partir en camp, c’est profiter d’un dépaysement total, propice à des apprentissages différents, à des enquêtes sur le terrain, à la pratique d’activités sportives et culturelles bien souvent absentes du cursus scolaire. Et nous en avons profité : ski, bob, escalade, visite d’une fromagerie, … mais j’aimerais consacrer ce billet aux apprentissages du vivre ensemble, cette autre composante de la vie scolaire, ô combien importante de nos jours.
Lorsque les repères habituels s’étiolent quelque peu, ils sont bien rapidement remplacés par d’autres. Ainsi, le groupe-classe est renforcé, et entre dans une certaine autogestion. Les élèves tristes sont consolés par leurs camarades, une première tentative de résolution des conflits est initiée par les élèves eux-mêmes.
La présence d’animateurs, avec un regard et une expérience de vie différents de celui des enseignants permet également aux élèves d’aborder les mêmes questions et de recevoir des réponses différentes et complémentaires à celles qu’ils ont l’habitude de recevoir.
Beaucoup de choses se passent dans l’informel, dans un couloir, autour de la table du repas ou au cours d’une ballade. Cependant, quand la coupe se remplit, et avant qu’elle soit pleine, il peut être nécessaire et efficace d’institutionnaliser quelque peu ces apprentissages, comme on le ferait en mathématiques ou pour des règles d’orthographe. Ainsi, aux 2/3 du camp, nous avons vécu un excellent conseil de classe. À partir de l’expression des différentes émotions – merci à notre éducatrice pour l’excellent apport qu’elle nous a fait en la matière – chacun a pu exprimer ses émotions dominantes du moment. Nous avons parlé des joies, de la tristesse de ne pas voir ses parents, du dégoût face à un élève qui a vomi pendant le petit-déjeuner, de la peur rencontrées par plusieurs à l’occasion de la dernière averse nocturne et de la colère que ressentaient plusieurs élèves pour d’autres du groupe. Cela a permis d’apaiser, de mettre en perspective et de tenter de résoudre les conflits latents.
Souvent, j’ai expérimenté que les garçons règlent leurs conflits en se battant un bon coup, et puis tournent la page. Si cette forme de violence n’est pas acceptable et doit se transformer en un autre type d’échange, le positif est un rapide retour à la normale. Chez les filles à partir de 8-9 ans, les conflits ne sont pas toujours attaqués de front. il s’ensuit des mois et des mois d’échanges aigres-doux, de bruits de couloirs, de petits billets et de chicaneries qui pourrissent l’ambiance. Si bien que, même si on ne sait plus pourquoi l’autre n’est pas notre copine, on ne l’aime quand même pas.
Pour en revenir aux cas qui nous ont occupés, il y avait des faits réels et graves, inacceptables, comme des coups pour se venger ou des attitudes vraiment pas amicales, mais aussi toute une série de difficultés liées aux amitiés, exclusives ou multiples.
Vivre ensemble 24h/24 permet de voir apparaître des questionnements, souvent plus émotionnels que verbaux, que l’on ne verraient pas éclore si rapidement en classe. C’était donc la bonne occasion de pouvoir prendre un peu de recul, théoriser légèrement les événements, et permettre aux élèves d’entrer dans l’étape d’avoir plusieurs ami(e)s, de jouer avec l’un(e) ou l’autre une fois, puis de changer, et encore de jouer tous ensemble. L’expression de son ressenti avait déjà commencé à détendre l’atmosphère, cette discussion l’a définitivement allégée.
La récréation qui a suivi était pleine de sourires et de rires, et encore de quelques discussions et excuses. Il faut dire qu’une récréation sur une cours de goudron avec quelques jeux peints au sol, ou une récréation sur une grande pelouse avec pleine de jeux, tyrolienne, et buts de foot, avec de plus le bon air de la montagne, n’ont vraiment rien en commun.
Tous ces éléments ne figurent pas au programme scolaire écrit, par contre, ils sont nécessaires au développement harmonieux de la face sociale de chacun. Et les fruits sont concrets, pendant et même après le camp. Certains ont pris de bonnes habitudes, comme débarrasser la table après le repas, et continuent une fois rentrés à la maison. D’autres ont appris gérer les différences, les conflits, à vivre avec des ami(e)s qui ont des avis différents.
Finalement, au-delà des activités différentes, un camp, c’est une véritable serre du vivre ensemble.